samedi 11 août 2012

Le martyre.

Je bois une dernière gorgée de cet énième café brûlant, mauvais, sucré. Je rentre à la maison. Combien de fois ais-je répété ce rituel ? Qui pourrait le dire ? Je suis seul à chaque fois.

Après avoir fermé à double tour la lourde porte en noyer sombre, je m'engouffre dans la nuit. Les réverbères sombrent eux-aussi dans l'obscurité. Il n'y a pas de petites économies, quitte à livrer une ville aux violeurs passée une certaine heure. Quelle importance ont donc les gens qui sortent à cette heure, pour les gens qui décident de quand les rues doivent ou non être éclairées ?

Dans la neige de Décembre, mes jambes se font pesantes, ma marche est fatigante. Par deux fois -en général, c'est deux fois- je me dois m'asseoir sur un banc reprendre mon souffle. Il s'agit alors de ne pas céder au confort relatif de cette situation : un banc rude mais plat, et propre, des vêtements épais, une fatigue qui hurle que je lui cède son caprice, mon sommeil. Mais s'endormir par ce froid d'airain qui dévore la nuque, ce serait mourir il me semble.

Alors non, je me relève, je continue ma marche. Pourquoi toujours travailler si tard, et surtout pour ce faire m'enfermer dans ce cabinet sordide de la zone industrielle ? Il s'agit du protocole, je me dois de le respecter, c'est aussi stupide que c'est simpliste. Les lois sont les lois, avoir voulu les enfreindre ne m'a toujours causé que bien des peines. Avant, j'étais fougueux et hors-la-loi dans l'âme. Maintenant j'ai ce travail et j'en suis l'esclave volontaire. Mon esprit s'y plie, tant mieux. J'imaginais au début qu'il serait plus difficile de dompter mes caractères mais, non, lorsque l'on a plus rien à perdre, il devient facile de tout abandonner. C'est logique.

Un jour je ferais une mauvaise rencontre, une dernière rencontre, un coup d'un cran d'arrêt, un dernier coup pour arrêter. Les idées noires sont légions lors de cette longue marche nocturne, systématiquement. Elles voguent, entrent en moi, me salissent puis repartent. Je ne leur en veux pas, c'est dans l'ordre des choses, cela aussi. 

Quand j'arriverais chez moi, je mangerais quelque chose, rapidement, je me coucherais, me lèverais à une heure insignifiante, passerais la journée à me morfondre, et puis la nuit tombée je retournerais au bureau. Parce qu'il le faut. Parce que c'est ainsi. Je n'ai plus de but, alors je tourne en orbite, sans point de fuite, livré à un immuable, sempiternel cycle du temps minuscule, réduit au local à la sombre porte, aux marches nocturnes et aux légions d'idées noires. Je suis l'homme qui tourne en boucle maintenant qu'il ne t'a plus. Je suis l'homme qui t'aime.

Je suis la montre cassée.

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