lundi 13 août 2012

Judas.

Les nuages d'ambre fuyaient la nuit, loin, là bas, de l'autre côté du champs. Il faisait nuit, quatre heures du matin, je pense, et pourtant ils étaient là comme au crépuscule ; la lumière des villes alentours, qui ne dormaient jamais, sans doute, les éclairaient par l'en dessous. Basse altitude... pluie ? C'est dommage qu'ils s'en aillent, l'air est lourd, ici, sec, harassant. La pluie aurait été bienvenue. Mais peu importe, finalement. Il y a un bon côté à toute chose. Je profite du temps pour m'asseoir dans la prairie, recroquevillé, et puis je me laisse aller en arrière, déplie mes jambes fatiguées, et me voilà allongé de tout mon long, les herbes qui me chatouillent le nez. Je les écrasent un peu afin d'avoir la paix, et je regarde le ciel  incendié pleurer toujours ses météores. Quand cela cessera-t-il donc ? Voilà deux mois, environs, maintenant. Deux mois que chaque nuit je vois passer tout ces émissaires d'un autre univers, deux mois que la toile de maître-ciel est balayée par ces boules de feu contemporaines. Il parait qu'elles passent très près de nous. Je ne sais pas si c'est possible. Il me semblait bien que non, mais je n'ai pas assez de connaissances en astronomie pour trancher sur la question. Les heures passent et je me perd dans leur nuée. 

Comme souvent je me réveille transis de froid. Endormi, mon corps refroidi et à mon réveil, quelques quarts d'heure après, la nuit ne m'est plus aussi douce, et je remercie le ciel qu'il n'y ait finalement pas eu de pluie. Je recommence à marcher, vers la lune, en croissant rouge, tel le rasoir ensanglanté, ne sachant pas tellement où aller. Il serait si facile de rentrer chez sois, mais à quoi bon avoir erré deux mois, dans ce cas ?

Quand je suis partis, cela me semblait être une bonne idée. Maintenant ? Je n'en sais plus rien. Était-ce une fuite ? N'aurais-je pas pu recoller les morceaux ? Non, ce n'était pas ma faute, ce n'est pas moi qui ait jeter à terre le vase de notre union, je n'étais pas responsable. Et puis, comme ça, tel un oracle qui s'accomplit, le lendemain, le cosmos se déchire et ses pleurs se déversent à travers notre voix lactée. Désespéré comme j'étais, aux abois pour ainsi dire, il ne m'en fallait pas plus. Je  n'ai presque rien pris et je suis parti comme ça, sans prévenir personne, en laissant mon téléphone branché au secteur pour que les tonalités ne cessent jamais de résonner aux oreilles de ceux qui voudraient bien m'appeler.

"Je suis encore 'là' mais je ne suis plus ici."

Je voudrais qu'ils comprennent que je ne leur en veux pas. Je les entends bien mais je ne peu plus leur répondre, voilà tout. En même temps que mon coeur, c'est ma langue qui s'est brisée. Enfant, je chantais tout le temps, parait-il. Hé bien plus j'ai vécu, plus je l'ai fermée. Maintenant, je suis otage du carcan de mon mutisme. Je n'adresse plus la parole qu'à (mon) ombre à l'intérieur de ma tête, et cela suffit bien comme ça.


*
*   *


Les étoiles enflammées se font plus rare nuit après nuit. Alors aller où ? Et pourquoi ? Mon coeur me griffe en dedans et s’accélère, sous l'angoisse, alors je me demande si je ne me serais pas fourvoyé. Voilà trois mois que je marche chaque jour, chaque nuit, que je vole ma nourriture et vie tel un vagabond. Je croyais à mon départ que je n'avais plus rien à perdre, mais c'est aujourd'hui seulement qu'il ne me reste véritablement presque plus rien. Je n'ai plus que ce ciel que je crois qu'il m'appartient, ce ciel d'incendie qui lentement s'éteint. J'ai tout quitté, alors c'est juste qu'il m'abandonne, peut-être.

*
*   *


J'ai compris cette nuit là ce qu'étaient les larmes qui inondaient les cieux. Mes larmes. Tant de chagrin pour un coeur  trop étroit, alors le Ciel tant prié m'a soulagé ainsi qu'il a pu le faire de mes peines jugées trop lourdes. Mais les larmes qui coulent des yeux d'un homme retournent à lui dans un cycle qu'il est défendu de briser ; le malheur comme le bonheur sont des choses bien terrestres, et si les sentiments des hommes se frayaient un chemin par une faille dans nos cieux, parcouraient espaces et galaxies, atterrissaient si loin du coeur humain, qu'adviendrait-il ? Je suis cet homme, ce traître à son monde, celui qui par sa faiblesse a fait fuir de lui-même tout ce qui faisait de lui un être pensant. Je ne suis plus rien d'autre que l'artisan des deux saisons du ciel qui pleure. Et quand la dernière des étoiles, aura disparu, ensemble hétéroclite de sable et de chagrin, de pierre et de bonheur, de minéraux et de mon coeur, je disparaîtrais aussi.

J'ai trahis. J'ai ouvert une plaie dans l’humanité. J'ai fais en moi l’ataraxie. J'ai chassé mes maux comme mes souvenirs trop douloureusement heureux, je les ais chassés par la faille dans la voûte céleste orangée, bannis au loin au grand jamais, expulsé dans le continuum de part mon caractère poltron.

Je lui ai dit, je l'ai appelée, mais elle ne m'a pas cru.

Tiens, mon amour, c'est pour toi que ces six mois de feux cascadent à travers les nuages nocturnes. C'est mon amour pour toi. C'est ta prudence à mon égard. Ce sont nos souvenirs de joie.

Tout est si loin, maintenant. De notre amour il ne reste que de la poussière d'étoile dans les yeux des enfants. 

Puisse ces illusions ne jamais s'effacer. Puisse-t-ils à jamais savoir aimer vraiment.

J'ai tout gâché et seul le ciel déchiré sait combien j'en suis abattu. Mais j'ai simplement maladroitement aimé. Puisse les âges me pardonner et, quand je m'ôterais la vie, je psalmodierais des prières pour que la faille se referme derrière mon passage de damné sur cette terre, afin que pour toujours il reste quelque chose de nous deux. Afin que le néant n'aspire pas tout, et pour que l'amour se souvienne de nous deux. À jamais. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire